Vers un usage domestique
Si la défiance envers la vidéosurveillance est venue de la société civile, c’est aussi de celle-ci que partira sa démocratisation progressive. En 1966, une infirmière afro-américaine vivant dans le Queens, Marie Van Brittan Brown, dépose ainsi le premier brevet de l’histoire portant sur un système de protection de l’habitat domestique en télésurveillance. Contrôlé par un téléviseur, sans-fil, capable d’ouvrir la porte sur commande, son appareil est l’ancêtre de la plupart des techniques actuelles.
À partir des années 60, on passe donc d’une utilisation top-down (de haut en bas), centrée sur la gestion des foules et chasse gardée des États, à des usages de plus en plus individuels partant de la population. Cette tendance est largement encouragée par les progrès techniques aboutissant à la miniaturisation des caméras et des appareils d’enregistrement ainsi qu’à une baisse des prix drastique.
En la matière, la technologie décisive est sans doute le numérique. Et, bien qu’on assiste à une accélération des cycles commerciaux, du prototype au produit de grande consommation, il faudra un certain temps pour que cette innovation de rupture arrive dans les magasins. En effet, entre 1973, date de la mise au point du CCD, ce capteur photographique permettant d’enregistrer sans pellicule, et 1988, quand les premiers appareils photo numériques sont commercialisés, s’écoulent plus de 15 ans !
Mais les conséquences pour la vidéosurveillance sont massives. En 1975, le physicien Gordon E. Moore avait prédit un doublement de la densité des processeurs tous les deux ans. Sa prédiction s’est avérée exacte, jusqu’à ce que la réalité la dépasse largement. À l’aube des années 90, il était devenu possible de stocker une importante quantité de données sur des disquettes ou des CD-ROM, et les caméras, de plus en plus petites, pouvaient se loger dans le moindre recoin.